La science du coup de foudre

 

 

En 2017, des scientifiques ont réussi à observer et à générer le mécanisme amoureux chez des campagnols des prairies1. Avant de poursuivre, il faut savoir que cette espèce (Microtus ochrogaster) est curieusement un excellent choix pour modéliser le comportement amoureux humain. En effet, les campagnols nous ressemblent énormément sur le plan affectif : monogames mais ayant des interactions sexuelles hors couple, ils se montrent en effet agressifs en présence d’autres individus du même sexe et déprimés lors de la perte de leur partenaire. De plus, chez eux comme chez nous, le cortex préfrontal peut modifier le comportement des couches profondes du cerveau.

C’est ce qui se passe chez le campagnol… et donc probablement chez l’humain. Les neuroscientifiques de l’Université Emory (Atlanta) ont pu observer que le sentiment amoureux coïncide, dans le cerveau, avec la prise de contrôle du noyau accumbens par le cortex préfrontal. Autrement dit, par la mainmise du centre de la réflexion et de la décision sur le centre du plaisir. Ce serait donc l’intellect qui serait à l’origine du sentiment amoureux ! Et ce serait lui qui nous ferait percevoir comme une récompense la présence de notre partenaire à nos côtés.

Cette même équipe a pu le vérifier : après avoir introduit des gènes photosensibles dans certains neurones d’une femelle, ils l’ont mise dans une cage en présence d’un mâle inconnu (et en empêchant tout contact physique entre eux), puis ils ont activé les neurones du cortex préfrontal avec la fréquence déterminée lors de phases d’observation préalables à l’expérience. Ils ont ensuite placé la femelle dans un environnement contenant différents mâles : dans 10 cas sur 12 testés, la femelle a alors préféré le mâle choisi par les scientifiques.

Même si ces comportements ne sont pas directement transposables à l’homme (dont le cerveau est plus complexe), ils nous éclairent sur la manière dont nous fonctionnons. Et, potentiellement, cette connaissance peut nous aider à traiter des troubles comme l’autisme, qui correspond à une difficulté à créer des liens sociaux.

Aller plus loin

Notes
1■ Science et vie, août 2017, “Les secrets de l’amour enfin révélés”

 

DATAK, un jeu vidéo évolué sur la vie privée

Datak est un jeu vidéo gratuit en français, développé par la Radio Télévision Suisse, pour vous montrer différents enjeux sur la vie privée.

Ce jeu pour navigateur vous plonge dans la peau d’un stagiaire recruté dans une mairie. Datak a été actualisé pour tenir compte de l’actu, de la loi RGPD au scandale de Cambridge Analytica.

Vous avez donc 15 nouveaux défis autour des vols massifs de données mais aussi du Big Data, ainsi qu’un évitement de caméras de surveillance…
Vous pouvez télécharger le trailer ICI, et jouer à partir de là.

 

Le Big Brother français arrive

La reconnaissance faciale “intelligente” est annoncée comme une nécessité pour le ministère de l’Intérieur. Le modèle chinois de contrôle et surveillance de la population par des caméras et des algorithmes d’identification des personnes semble inspirer le gouvernement et l’administration française qui lance des expérimentations et des partenariats.

Le système peut identifier en temps réel avec exactitude le type de voiture, l’habillement, le sexe et même l’âge d’un passant… Ces informations sur les passants s’affichent automatiquement à l’écran. Quand il s’agit d’un criminel recherché, l’alarme du système se déclenche en montrant les données le concernant sur l’écran.

La France est l’un des pays champion des technologies numériques de surveillance.  Pionnier dans le domaine du “Deep packet inspection” (DPI, inspection profonde de paquets) grâce à sa recherche universitaire et des montages d’entreprises spécialisées dans l’exportation de ces systèmes à des dictatures, le pays de Victor Hugo a légiféré en cascade depuis plusieurs années pour autoriser les services de police et de renseignement à surveiller et capter les échanges numériques des citoyens de façon administrative, sans contrôle d’un juge d’instruction.

Le CNRS confirme

L’annonce récente par le CNRS de la signature d’une convention avec la Direction du renseignement militaire (DRM) confirme l’intérêt des services de l’Etat pour le développement d’intelligences artificielles de reconnaissance d’image.

“L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre. ”
Gérard Collomb dans son bilan “d’un an de maintien de l’ordre”, le 8 juin 2018

Article complet sur tv5monde.

 

Ouverture d’une chaire de sciences des données au Collège de France

 

 

En janvier 2018, une chaire de Sciences des données a été ouverte au Collège de France par Stéphane Mallat, chercheur français qui avait mis au point en 1987 un algorithme à l’origine du futur format JPEG2000 avant de fonder une start-up produisant des puces électroniques pour TV qui permettaient d’améliorer la résolution de l’image (production d’un image haute résolution à partir d’un signal standard), puis de faire des recherches sur les algorithmes d’apprentissage profond pour des problèmes liés à la reconnaissance automatique d’images.

Dans une interview pour le journal La recherche1, il explique les raisons de la création de sa chaire au Collège de France et donne des indications sur le contenu des cours qu’il y donne.

Pour lui, il était important que le nom de sa chaire soit “Sciences des données” au pluriel, car il s’agit d’un champ de recherche multidisciplinaire. En effet, bien que les outils utilisés soient toujours les mêmes (mathématiques appliquées, informatique et IA, théorie de l’information etc.), les jeux de données traités concernent toutes sortes de sciences (physique, biologie, sciences cognitives, économie, sciences sociales, etc.). Or chacune de ces sciences ont leur propre manière d’aborder le problème des big data, ce qui fait des sciences des données un domaine massivement pluridisciplinaire. D’ailleurs, Stéphane Mallat soutient que l’émergence de cette discipline n’est pas due à une nécessité scientifique, mais plutôt à une pression sociale et universitaire, puisque ces méthodes sont tout simplement en train de révolutionner nos sociétés en profondeur (un peu comme les chaires d’informatique se sont imposées petit à petit dans les universités, cinquante ans plus tôt). En fait, cette pression est telle que Stéphane Mallat travaille actuellement à l’ouverture d’une autre chaire de sciences des données à l’Ecole Normale Supérieure. Du coup, comme le domaine commence tout juste à cristalliser, le principal objectif de sa chaire au Collège de France sera de créer un vocabulaire commun, utilisable par les tenants de toutes les disciplines scientifiques concernées, pour traiter des problèmes liés aux données de grande dimension. Autrement dit, de poser les bases de cette nouvelle science par la création d’un vocabulaire qui lui est propre.

Historiquement, si on veut comprendre d’où vient ce domaine émergent, c’est par les biais de l’accumulation des données (big data) et de l’augmentation de la puissance de calcul que les maths appliqués et l’informatique se sont rencontrés pour donner naissance au machine learning. Parce qu’historiquement, on a d’abord été capable de stocker un grand nombre de données, avant de savoir ce qu’on pourrait en faire. Globalement, les sciences des données sont utilisées pour atteindre deux types d’objectifs : la modélisation d’un jeu de données (pour générer des données nouvelles, compresser des données, reconstruire ou améliorer la qualité d’une image etc.) et la prédiction (qui consiste à donner du sens à un amas de données). Actuellement, les techniques à base de réseaux de neurones profonds fonctionnent bien pour ces utilisations, mais on comprend mal pourquoi. Il y a donc un domaine entier de recherche à ce niveau, qui devrait permettre de les rendre plus fiables pour les applications critiques comme la médecine (diagnostic médical) ou la conduite autonome. Les autres axes de recherche concernent la réduction du nombre de dimensions des problèmes en découvrant et utilisant des hiérarchies multi-échelles (observation des données à différentes échelles) et des symétries (invariances) dans les jeux de données traités.

 

 

Et du fait qu’on a d’une part des entrepôts de données et d’autre part tout un arsenal de maths appliquées à utiliser, l’une des particularités de ce domaine est qu’il est à la fois théorique et expérimental. Ce sont en effet, d’après Stéphane Mallat, des approches empiriques et des intuitions remarquables de plusieurs chercheurs et ingénieurs que sont nés les récents et foudroyants progrès que l’on connaît dans les techniques de reconnaissance visuelle et vocale, de traduction automatique ou encore dans les jeux de go ou des échecs. Et c’est pour lui la recherche expérimentale dans ce domaine qui fait émerger de nouveaux problèmes mathématiques ; et c’est donc pourquoi cette correspondance maths et application est au cœur de son cours.

Notes

1■ La recherche, février 2018