Sucre, graisse, bien-être et neuromarketing

 

QUOI

Ouf ! La journée a été dure au boulot. Qu’est-ce qu’il est con Michel ! Les chefs sont bien tous les mêmes, incapables, râleurs et despotiques… Aller, une petite binouze pour faire passer tout ça. Et puis je vais pas m’emmerder à cuisiner non plus : hop, une pizza surgelée au micro-ondes fera très bien l’affaire devant le match de foot à la télé. [Et quelques minutes plus tard, affalé dans le canapé] : “Aaaaah! Qu’est-ce que c’est bon…”

COMMENT

Ca vous rappelle quelque chose ? Normalement, oui. On a tous déjà fait ça : compenser une journée difficile par un repas super-équilibré (lol). Effectivement, de nombreuses études ont montré que l’acte de manger permet de réguler l’équilibre émotionnel. Entre autres, la psychologue Georgina Oliver, de l’Université de Londres, a pu confirmer par l’observation que les personnes ayant particulièrement tendance à compenser leurs émotions négatives par la consommation de nourriture modifiaient non seulement le volume de leurs repas, mais également la nature des aliments qu’ils consommaient. Pour compenser le stress ou la déprime, on a tendance à manger particulièrement gras et sucré. Le nutritionniste Richard Wurtman, du MIT a d’ailleurs trouvé un lien concret, objectif, entre la consommation de sucre et la sensation de bien être qui s’en dégage : la consommation de sucre augmenterait la teneur dans le sang d’un précurseur de la sérotonine (le tryptophane), la sérotonine étant un neurotransmetteur permettant de réguler les émotions.1

POURQUOI

Mais surtout, c’est la psychologie de l’évolution qui permet de comprendre la profondeur de ces mécanismes. En effet, pendant très longtemps (plusieurs centaines de milliers d’années), l’homme était un chasseur-cueilleur, ce qui signifie qu’il n’avait pas de stratégie alimentaire particulière : il se nourrissait de tout ce qui lui passait sous la main. Les baies présentes sur les arbres qui croisaient son chemin, le petit gibier qu’il arrivait à chasser, le poisson qu’il pouvait pêcher ou encore les restes des charognes laissées derrière eux par des animaux situés plus hauts que lui dans la chaîne alimentaire. Si cette période est la plus éloignée de nous dans le temps, elle est surtout de loin la plus longue, la révolution agricole n’ayant eu lieu qu’il y a deux ou trois dizaines de milliers d’années tout au plus (à peine 10000 ans selon Bettinger, Richerson et Boyd dans une étude de 2009) et la révolution industrielle ne datant que de deux siècles. De ce fait, nombre de nos comportements, y compris alimentaires, proviennent de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Or, comme ceux-ci n’avaient pas de stratégie alimentaire, ils avaient systématiquement peur de manquer. D’où deux mécanismes hérités de cette époque : se sentir bien quand on mange du sucre et de la graisse (la consommation d’aliments énergétiques calmait l’une des peurs les plus profondes de l’époque : celle de manquer), et manger du sucre et de la graisse tant qu’il y en a à notre disposition (Yuval Noah Harari dans son livre : “Sapiens, une brève histoire de l’humanité”, donne l’exemple suivant : si un chasseur-cueilleur croisait sur sa route un figuier plein de figues, il lui fallait directement s’empiffrer et faire des stocks dans son estomac, car s’il ne mangeait que pour soulager ses besoins immédiats, conservant sagement les autres pour plus tard, celles-ci auraient malheureusement été consommées par d’autres animaux entretemps).

QU’EST-CE QU’ON PEUT EN FAIRE

On comprend maintenant plusieurs choses :

  1. Premièrement, ces réflexes acquis au cours de l’évolution ne sont plus en corrélation avec notre mode de vie actuel : nous ne sommes plus, à notre époque et dans notre région du monde, en manque nutritionnel, et nos peurs concrètes et justifiées ne sont plus les mêmes qu’à l’époque.
  2. De ce fait, nos mécanismes de survie deviennent des mécanismes de compensation et ne répondent plus à nos problèmes réels, que nous ne pouvons donc pas résoudre instinctivement.
  3. Sans surprise, les problèmes de santé, mentale (dépression, insomnies etc.) comme physique (alimentation déséquilibrée avec toutes les maladies que ça implique : diabète, maladies cardiovasculaires etc.), sans compter les problèmes à l’interface des deux (consommation de drogues, d’alcool) sont en croissance constante et prennent des proportions alarmantes dans notre société.
  4. Pour nous vendre leurs produits, en concurrence avec les autres, les industries agro-alimentaires chargent massivement leurs produits de graisse et de sucre, s’adressant à notre cerveau primitif et à nos bas instincts plus qu’à notre néocortex cherchant à répondre à nos problèmes réels.

Tout le monde sait de nos jours qu’il ne faut pas manger trop gras et trop sucré, sous peine de développer diverses maladies. Tout le monde sait également qu’il mange mal. Et tout le monde sait encore que l’industrie cherche généralement à vendre plus qu’à résoudre nos problèmes, et que comme elle se sert de nos problèmes pour nous vendre, elle n’a pas intérêt à ce que ceux-ci soient résolus ! Vous trouverez dans le lien ci-dessous une illustration de ce qu’on nous fait manger, avec notre accord et pour notre plus grande satisfaction, exemple donné avec l’un de nos produits préférés : le nutella2.

Bref, amis chasseurs-cueilleurs 2.0, faites un effort et adaptez-vous aux réels problèmes que vous rencontrez dans votre époque, sinon, la sélection naturelle se chargera de vous !

Pour aller plus loin / Liens utile(s)

Notes

1■ Article Cerveau et psycho

2■ Vidéo youtube : nutella au soleil

 

 

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